dimanche 9 mars 2014

Duel au revolver entre des étudiants

Le ton monte au Castille, un des nombreux cafés animant la Place d’Armes de Poitiers. Pour une sombre histoire de promesse non tenue, chacune des rencontres entre Félix Destaing et Louis Fournier dit « Vincent », deux étudiants en droit, manque de se terminer en rixe.

En cette nuit du 7 janvier 1843, la situation, cette fois, dégénère. Alors qu’il joue paisiblement au billard, « Vincent » est la proie des paroles insultantes de son rival. Excédé par ces provocations, le jeune homme perd son sang-froid et le gifle violemment. Destaing est projeté au sol entraînant dans sa chute une table et plusieurs bouteilles. En réponse à cet affront, d’autant plus infâmant qu’il s’est déroulé sous les yeux d’une large partie du monde estudiantin réuni dans le bistrot, l’offensé clame haut et fort que seul un duel au revolver rétablira son honneur.
Le lendemain, dès les premières heures du jour, les combattants accompagnés de leurs témoins se réunissent dans une plaine située à l’abri des regards près de Croutelle. Placés à quarante pas de distance, ils ne pourront échanger qu’un seul coup de feu. La plus légère blessure garantira la victoire. Si personne n’est touché, le verdict se décidera par un assaut au fleuret.
Les duellistes sont maintenant à la distance convenue. « Vincent », peu coutumier de ces échauffourées, a du mal à dominer sa peur. S’il manque sa cible, il risque de tout perdre, sa dignité bien entendu mais peut-être même sa vie. En effet, on prête à Destaing un passé de tireur adroit. Au signal, « Vincent » se retourne, fait cinq pas rapides et ouvre immédiatement le feu. Il est convaincu d’avoir fait mouche. Pourtant, à peine la fumée dégagée par son arme s’est-elle évanouie, qu’il aperçoit la silhouette impassible de Destaing le mettant en joue. Après une nouvelle détonation, une douleur insoutenable s’empare de son corps, sa chemise blanche se teint de rouge. « Je suis frappé en plein corps » s’écrie-t-il. Son adversaire, fidèle à sa réputation, n’a pas tremblé. L’affront ainsi lavé, Félix Destaing propose son aide et part chercher un médecin avant de disparaître.
L’écho de cet affrontement met près de quatre mois à remonter aux oreilles de la justice. Le 3 mai 1843, les deux clans sont renvoyés devant la cour d’Assises de la Vienne pour tentative d’homicide volontaire et complicité. Le Journal de la Vienne relate dans ses colonnes que « la jeunesse de toutes nos écoles s’était donnée rendez-vous pour assister à ce procès d’un genre particulier. Dès le matin, elle encombrait les avenues de la salle. La sympathie de cet auditoire semblait déjà acquise aux six jeunes hommes. C’était à qui leur serrerait la main, à qui se dirait leur ami ». Basant leurs plaidoiries sur l’impossibilité de qualifier d’assassin « celui qui expose sa vie en même temps qu’il attaque celle de son adversaire », les avocats de la défense réussissent finalement, au cours d’une séance animée, à convaincre le jury de prononcer l’acquittement.

Sources : Archives départementales de la Vienne, 2 U 1559
Illustration : Le café Castille, médiathèque François Mitterrand de Poitiers, C 610

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